Petit à petit, l’intelligence artificielle fait son chemin dans nos pratiques professionnelles. Cependant, sa mise en œuvre reste souvent élémentaire. Pour exploiter pleinement le potentiel de l’IA, il faut changer de perspective. Il faut réfléchir, travailler et collaborer autrement, explique Tarik Hennen, expert en stratégie digitale et IA.

L'IA au quotidien : un potentiel sous-exploité

Un peu plus de deux ans après le lancement de ChatGPT, l’IA générative est devenue un outil de travail pour beaucoup de professionnels. Parfois de manière formalisée au niveau organisationnel, souvent de manière informelle au niveau individuel, son adoption progresse – plus vite, semble-t-il, dans les grandes structures que dans les PME ou chez les professionnels libéraux, où beaucoup reste à faire.

Mais comme l’observe Tarik Hennen, fondateur de l’agence Antidote, cette utilisation reste souvent cantonnée aux applications les plus évidentes : génération de texte dans des e-mails, posts, rapports et autres présentations ; occasionnellement, génération d’images… « Des applications qui ne représentent que le sommet de l’iceberg par rapport aux possibilités de l’IA ».

Il ne faut pas confondre, explique-t-il : « Acheter une licence ChatGPT ou Microsoft Copilot, ce n’est pas déployer l’IA dans son activité professionnelle. Pour prendre une comparaison, ce n’est pas parce qu’on achète une calculette qu’on devient expert-comptable. »

Vers la co-intelligence : l'IA comme partenaire stratégique

« L’IA permet beaucoup d’autres choses : brainstormer, élaborer des budgets, analyser des données… On peut l’utiliser pour écrire un rapport, mais aussi pour challenger ce rapport, en demandant à l’IA de l’examiner du point de vue du destinataire et en fonction des objectifs fixés. À l’inverse, le responsable peut l’utiliser pour évaluer le rapport, proposer des pistes d’amélioration et donner un feedback constructif. C’est tout le champ de ce qu’on appelle la co-intelligence : on peut même faire de l’IA un ‘co-dirigeant’, qui va contribuer à alimenter la réflexion stratégique et améliorer les décisions. Ce n’est pas très difficile, encore faut-il y penser. »

Que vous soyez avocat analysant une jurisprudence complexe, consultant préparant une proposition commerciale, ou professionnel libéral optimisant sa gestion administrative, l’IA peut devenir un véritable partenaire de réflexion, capable de challenger vos approches et d’enrichir votre expertise.

Les trois étapes d'une intégration réussie

« Je pense qu’une mise en œuvre aboutie de l’IA passe par trois étapes », poursuit notre interlocuteur. « La première, c’est la ‘literacy’ : l’acquisition des principes et des connaissances techniques de base. Ensuite vient la performance : on va utiliser l’IA pour améliorer les résultats de son activité, le rendement du travail, etc., et passer de la dimension individuelle à une dimension collective. Enfin, il y a un stade supérieur de transformation, où on va explorer de nouvelles manières de fournir un service, créer un produit… »« Déployer l’IA, c’est l’occasion de revoir les outils et les instruments qu’on a envie d’utiliser, mais auxquels on n’avait peut-être pas accès. Ensuite, avoir l’outil ne suffit pas à créer la transformation ; ce n’est pas parce que j’utilise ChatGPT que je deviens marketeur ou rédacteur. Il faut accepter qu’on va devoir changer, peut-être développer d’autres compétences, mais cela ouvre aussi tout un horizon de possibilités nouvelles. »Tarik Hennen a partagé ces vues dans le cadre d’une interview liée à sa formation « L’IA en pratique » donnée dans le cadre du cycle de formations Business et Intelligence Artificielle (l’EPHEC Formation Continue). La version originale de cet article a été publiée le 29 mars 2025 sur le blog Ambitions & Perspectives, édité par l’EPHEC Formation Continue.

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